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Photo du rédacteurBéatrice Mora

Se souvenir...

Dernière mise à jour : 16 déc. 2020

Dans mon enfance, l'effet des guerres s'est souvent invité à la table familiale.


Entre une mémoire qui s'est transmise et une mémoire qu'on a tue*, je suis partie à la recherche de ces bribes d'Histoire non vécue. Et en parcourant ce chemin, j'ai trouvé des valeurs sur lesquelles me construire.


Enfant, je n'ai jamais pleuré à l'écoute des atrocités de la guerre de 39-45 ou d'Algérie parce qu'elles m'ont été transmises comme un grand-père raconterait à sa petite-fille.


Mais j'ai beaucoup manqué d'une mémoire non racontée de l'autre côté. Alors, j'ai cherché. Je suis tombée, je me suis relevée, j'ai buté, senti la liberté, appris, trébuché, égratignée, éprouvé la peur et entendu aussi la mélodie de leur bonheur, là-bas, de l'autre côté...

L'Exil.

L'exil de soi, de sa terre, de sa langue... Le corps comme langage, la tristesse érigée comme un mur qui peut se muer en haine. J'ai compris avant qu'il ne soit trop tard, l'Amour.

La patience, la confiance, c'est de l'amour qui se mue en tolérance.

C'est de l'amour qui n'enferme pas et qui n'exige pas à être aimé.e en retour.

C'est laisser l'autre libre, mais pas isolé.e, pas sans lien de filiation, pas sans une histoire et une place dans la communauté humaine. Et lorsque les liens transgénérationnels rendent cette histoire trop difficile, compliquée ou douloureuse, nous devrions pouvoir avoir confiance dans une société dont les lois prennent le relais, accueille en son sein et ne redouble pas la douleur des ruptures du lien d'attachement.


« Le progrès n'est pas le changement mais la capacité à se souvenir. Ceux qui ne peuvent se souvenir de leur passé sont condamnés à le répéter. » George Santayana.



Kommandos de travail à Ravensbrûck

Du 16 au 21 avril de cette année 2020, j'allais assister aux commémorations de la libération du camp de Ravensbrück, en tant que représentante de l'association Femmes solidaires de Dordogne.


Le coronavirus qui s'étend comme une nappe de pétrole sur le monde en aura décidé autrement.



L'heure est à l'urgence sanitaire, aux devoirs humanitaires des gouvernements et non à la guerre, n'en déplaise aux politiciens toujours plus opportunistes pour exploiter la massification de la peur des peuples, à leur profit.


Allons-nous perdre la mémoire ? Les heures de confinement passées derrière les écrans vont-elles nous décérébrer tout à fait ? Le manque d'argent et de nourriture, la hausse des prix vont-ils nous faire croire que « travailler plus » est un effort citoyen qui participe à la solidarité de la nation ? Cette même solidarité qui a été violentée depuis des décennies et particulièrement depuis ces derniers mois.


Force est de constater que les citoyen.ne.s n'ont pas attendu d'ordre pour l'exercer dans leur entourage. Elle qui reste le terreau de notre humanité, celle-là même qui a permis de vaincre le nazisme, une forme de virus idéologique crée par l'humain, et érigé en entreprise de destruction massive.


Beaucoup d’événements dédiés au 75è anniversaire de la libération des camps ont été annulés. Pour autant, notre mémoire collective de lutte pour l'égalité et contre toute forme d'oppression ne doit pas être oubliée.


De la même façon, nous ne devrions pas oublier ni méconnaître et encore moins sous-estimer, parce qu'ils se trouvent loin de nous, les génocides qui continuent à se perpétuer chez les peuples autochtones qui luttent contre la déforestation, l'expulsion et l'exploitation de leurs terres ancestrales, seules boucliers vitaux contre la peste pétrolière et les virus tueurs.


Nous devrions pouvoir nous souvenir de tout cela. Supporter que les traces de notre passé éclairent notre avenir commun afin que de cette période nous ne ressortions pas l'esprit sidéré par la peur mais que nos forces créatrices collectives s'expriment pour construire ce monde tel que l'avaient pensé, voulu les Résistant.e.s et les Survivant.e.s de retour de l'innommable, et tel que l'appellent aujourd'hui de leurs cris et de leurs (l)armes les peuples opprimés.


Cette réflexion est issue d'une recherche sur la créativité en situation d'enfermement que je poursuis depuis plus d'un an, en compagnie de deux psychologues cliniciens. Elle prend un sens particulier cette année en 2020, année de la commémoration des 75 ans de la libération des camps et celle du COVID-19.


C'est pourquoi dans les jours qui vont suivre, je vais partager des témoignages de Survivant.e.s, de Résistant.e.s en espérant que ma génération de quarantenaires comprenne qu'elle* est la pierre angulaire de cette mémoire laissée par nos ancien.nes.


* selon l'accentuation le propos se précise. Le langage est précieux.


Béatrice Constantin-Mora

15 Avril 2020


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